22 nov. 2011

La qualification juridique des faits

Aller hop! Je continue sur ma lancée de publication de travaux.
Voici le commentaire de l'arrêt (CE, 2 mars 2010, M. Dalongeville, n°328843) qu'il fallait effectuer pour notre septième séance de TD de droit administratif.


J'ai eu 12/20 à ce travail, ce qui est tout à fait honorable. En effet notre promotion est la meilleure des 11 dernières années selon nos résultats aux partiels de l'an dernier, de plus la meilleure note obtenue en TD avec notre chargé de TD cette année est de 13/20. Aussi, j'ai la meilleure note sur ce commentaire parmi les gens ayant été ramassés pour ce commentaire ;)
J'espère que cela vous convaincs et que ce commentaire vous aidera!



Séance VI : Le contrôle de légalité
La qualification juridique des faits



Commentaire d'arrêt (CE, 2 mars 2010, M. Dalongeville, n°328843) :

« La silhouette du maire est si familière que son statut juridique est actuellement peu étudié. En le présentant seulement comme un élu local, vivant symbole de la décentralisation, on oublie trop souvent que pèsent non seulement sur ses actes, mais également sur sa personne de nombreux contrôles du pouvoir central », J. Moreau, sous la décision de section du Conseil d'État du 1er février 1967, Sieur Cuny.
L'arrêt Dalongeville rendu par le Conseil d'État en date du 2 mars 2010 traite des sanctions administratives envers les maires et du contrôle du juge administratif sur les mesures concernant leur révocation.
En l'espèce M. Gérard A a été suspendu puis révoqué de ses fonctions de maire de la commune d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais).
M. Gérard A saisit le Conseil d'État et demande que soit annulé pour excès de pouvoir le décret du 28 mai 2009 le révoquant de ses fonctions de maire de la commune d'Hénin-Beaumont.
M. A se fonde sur l'absence de motivation du décret, le non-respect des droits de la défense ainsi qu'une erreur dans la qualification juridique des faits qui lui étaient reprochés.
Dans quelle mesure le contrôle du juge administratif est-il plus approfondi en ce qui concerne un arrêté de suspension et de révocation d'un maire ?
Le Conseil d'État, en tant que juge de premier et dernier ressort rejette le recours en considérant que le maire d'Hénin-Beaumont s'est bien rendu responsable de l'importante dégradation de la situation financière de la commune et qu'ainsi, le décret attaqué a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 2122-16 du Code général des collectivités territoriales.
Le Code général des collectivités territoriales reconnaît en son article L. 2122-16 la possibilité qu'un maire ou son adjoint soient suspendus et/ou révoqués par arrêté ministériel. La tutelle des communes par l'exécutif national a été supprimée par les lois de décentralisation au cours des années 1980, or le maire est révoqué par arrêté ministériel. Pour autant les dispositions de l'article L. 2122-16 du Code général des collectivités territoriales demeurent. La nature d'un tel pouvoir de révocation, qui démet une personnalité élue reste est à définir (I). Le contrôle qu'opère le juge de l'excès de pouvoir concernant les maires, va à l'occasion de l'arrêt d'espèce, s'approfondir et passer d'un contrôle restreint à un contrôle normal (II).
      1. Le pouvoir de révocation du maire et sa nature juridique.

L'on peut s'étonner qu'un maire élu (ou adjoint maire), soit révoqué par l'administration car cela constitue une atteinte à la démocratie locale et au principe de libre administration des collectivités locales. De plus les lois de décentralisation n'ont pas totalement modifié le statut des exécutifs communaux, ainsi il continuent d'agir en tant que représentant de l’État. Le pouvoir de sanction que le l'exécutif national est-il applicable uniquement dans les cas où les maires agissent en tant qu'agent de l’État (A) ? Et à quel type de pouvoir se rattachent ces sanctions (B)?

A. Les maires, soumis à des sanctions administratives.
Les maires et leurs adjoints peuvent faire l'objet de sanctions. Elles sont au nombre de deux, à savoir la suspension et la révocation. Le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu définit la suspension administrative comme une « mesure essentiellement provisoire pouvant être prise par l'autorité investie du pouvoir disciplinaire à l'encontre d'un fonctionnaire prévenu d'une faute grave – qu'il s'agisse d'un manquement aux obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun – qui a pour effet d'écarter temporairement l'intéressé du service ». Cette définition transparaît dans les dispositions de l'article L. 2122-16 du Code général des collectivités territoriales1. Ces dispositions trouvent leur origine dans la grande loi municipale du 5 avril 1884, et n'est donc pas une création juridique récente.
« Les possibilités d'atteindre le maire en tant que conseiller sont restreintes, du fait même de la protection attachée au mandat électif local ; or il peut se révéler convenable d'écarter au moins des fonctions exécutives ou maire ou un adjoint dangereux ou déconsidéré » (B. Pacteau, Jusqu'où peut aller la tutelle disciplinaire sur les maires ?). La suspension du maire en tant que représentant de l’État ne lui fait pas perdre sa fonction représentative. Les sanctions envisagées à l'encontre d'un maire n'ont pas d’effet sur le mandat de celui-ci en tant que conseiller municipal, du moins en cas de suspension. Si le maire est révoqué, il devient inéligible pour un an, sauf renouvellement général de l'assemblée municipale avant cette date.
Les maires des communes peuvent être sanctionnés lorsqu'ils agissent en qualité d'agent de l’État. Un cas récent est la révocation du maire de Bègles ayant célébré un mariage homosexuel (décision du CE, 7 juillet 2004, n°268974). Dès lors que le maire agit en tant qu'agent de l’État il est soumis à un pouvoir hiérarchique. Ainsi, il est du droit et de l'obligation de l'exécutif national de contrôler les actes de ses subordonnés, notamment les maires. Il existe une importante jurisprudence sur la sanction des maires, elle s'est progressivement essoufflée à la fin du XXè siècle. Quelques données statistiques permet de mieux le constater. Depuis 1990, il n'y a eu qu'une seule révocation (celle de l'arrêt d'espèce), et une vingtaine de suspensions. Alors qu'entre 1946 et 1981 il y a eu soixante-quatorze suspensions et soixante dix-huit révocations, parmi lesquelles un maire avait été sanctionné pour avoir refusé de mettre en berne le drapeau de la mairie à l'occasion d'un deuil national (CE, 5 nov. 1952, Le Moign), un autre l'a été pour cause de refus de pavoiser les édifices publics pour commémorer l'appel du 18 juin (CE sect., 1er fevr. 1967, Sieur Cuny).
La jurisprudence est abondante, elle illustre aussi, d'une part, qu'un maire peut être pénalement condamné pour des faits accomplis en dehors de l'exercice de leur fonction (CE, 16 mars, 1932, Petiot). Un maire peut être suspendu ou révoqué alors qu'il agit en tant que représentant de la commune (CE, 7 avril 1909, Janin ; CE, 6 décembre 1912, Grivel ; CE, 23 mars 1955, Platet).
« Le célèbre arrêt Camino2 semblait d'ailleurs aller en ce sens lorsqu'il évoquait dans une formule volontairement large que les sanctions de suspension ou de révocations pouvaient être mises en œuvre lorsque l'attitude du maire « est de nature à rendre impossible (son) maintien à la tête de l'administration communale » » (JCP Adm. 2010.2281 note Dubreuil).
En l'espèce, les faits montrent que la sanction de révocation peut être infligée à un maire en raison de faits accomplis en qualité de représentant de la commune. En effet le maire a laissé dépérir la situation financière catastrophique de celle-ci au fil des années et a « accompli de graves négligences ».

A quel type de pouvoir se rattachent ces sanctions ?
B. Un pouvoir disciplinaire.

« L'originalité de ce pouvoir de sanction tient en effet à la double casquette du maire, qui est à la fois une autorité décentralisée et déconcentrée, un élu exerçant le pouvoir exécutif dans la commune et un agent de l’État. » (AJ 2010.664, chr. Liéber et Botteghi). Il est un débat doctrinal quant à savoir quelle est le type de pouvoir qui se rattachent aux sanctions des maires. Le doyen Vedel considérait qu' « en tant qu'il agit comme agent de l’État, le maire est soumis à un pouvoir disciplinaire de l'autorité supérieure ». La recherche de la nature juridique de ces sanctions, suspension ou révocation, est au cœur du débat.. Il faut déterminer si le pouvoir de sanction relève du pouvoir hiérarchique des supérieurs du maire ou du pouvoir de tutelle à l'encontre du maire. D'une part, les auteurs tels que M. de Laubadère ou J. Moreau considèrent que le pouvoir de sanction des maires serait un complément à la fois de la tutelle (« contrôle auquel sont soumises les personnes administratives décentralisées » 3) et du pouvoir hiérarchique. Pour d'autres auteurs, tels que M. Letourneur ou encore R. Chapus, le pouvoir de sanction des maires serait une extension du pouvoir de tutelle.
B. Seiller va plus loin et considère que le pouvoir hiérarchique ou le pouvoir de tutelle ne sauraient suffire à expliquer le pouvoir de suspension ou de révocation. Ce pouvoir de sanction « relève l'existence d'un indispensable pouvoir disciplinaire, protecteur des intérêts nationaux et garant du respect des lois, évoqué à l'article 72 de la Constitution » (B. Seiller, Le pouvoir disciplinaire sur la maires : AJDA 2004, p. 1637). C'est à juste titre que par leurs fonctions les exécutifs locaux garantissent le respect de la loi et de l'intérêt général, et qu'en conséquence, et à la lumière de l'importance de la mission dont ils ont la charge, ils ne sauraient mal accomplir leur tâche. C'est pour cela que des sanctions disciplinaires doivent peser sur eux.
Ce pouvoir disciplinaire est dirigé vers les organes plus que les personnes, afin d'assurer le bon fonctionnement de l'institution, et à en écarter, le cas échéant, un maire ou un adjoint qui risquerait, pour quelque motif que ce soit de mettre en danger ce bon fonctionnement (cf supra, B. Pacteau).
Le commissaire du gouvernement Franc, très justement, confirme l'idée de Seiller : « le maire ne peut méconnaître certaines obligations fixées par la loi et résultant de l'insertion de la collectivité qu'il gère dans un ensemble institutionnel plus vaste qui inclut l’État et les règles que ce dernier impose au nom de la Nation tout entière. Le pouvoir disciplinaire peut s'exercer si (…) le maire enfreint ses obligations d'administrateur, compromet directement l'application des lois à laquelle il est tenu de veiller, ou porte atteinte à l’ordre et à la sécurité publics dont est localement le gardien légal et naturel. »
La sanction disciplinaire est indépendante d'une éventuelle condamnation par le juge judiciaire. La sanction administrative peut être prise avant que l'autorité judiciaire ait statué (CE, 17 juin 1931, Bascoulès) ou maintenu alors même que l'instance pénale aurait débouché sur un non-lieu (CE, 6 juin 1928, Michel).
En vertu des obligations auxquelles est tenu le maire, il est une jurisprudence qui se rapproche du fait d'espèce où le maire a commis de graves négligences dans la tenue de documents budgétaires (CE 27 février 1987, Georges Perrier), les sanctions ont été successivement d'une suspension puis d'une révocation pour n'avoir tenu aucun compte de nombreux avis d'autorités de contrôle.

Le juge, saisit de l'affaire, devra effectuer son contrôle de l'acte administratif attaqué. Dans le l'arrêt d'espèce il va étendre son contrôle à un contrôle normal.

      1. Le contrôle du juge administratif sur les sanctions disciplinaires à l'encontre des maires.

L'arrêt d'espèce rappelle un certain nombre de garanties que doivent respecter les arrêtés de suspension ou les décrets de révocation des maires (A). Le juge va faire varier son contrôle sur les motifs des mesures de révocation (B).

A. Un rappel par l'arrêt des garanties accordées aux maires.

Le Code général des collectivités territoriales reste silencieux sur le type de comportement pouvant donner lieu à des sanctions envers le maire, pour autant il prévoit certaines garanties procédurales précisés par la jurisprudence.
La première garantie fait rentrer en compte un principe général du Droit. Cela se définit comme une règle admise par la jurisprudence comme s'imposant à l'administration et à ses rapports avec les particuliers, même sans texte, et ayant une valeur égale à cette de la loi, de sorte que celle-ci peut y déroger et que, au contraire, l'administration et le pouvoir réglementaire doivent les respecter. Il y a donc une garantie à la procédure contradictoire, essentielle au respect du principe général du droit de la défense : les intéressés doivent avoir été « entendus ou invités à fournir des explications écrites sur les faits qui leur sont reprochés ». Les intéressés doivent pouvoir « se rendre compte qu'une procédure disciplinaire est dirigée » contre eux (CE, 13 novembre, 1953, Gillot) et avoir « été mis à même de présenter utilement leur défense » (CE 6 mai 1949, Pivron). Aussi, ils doivent bénéficier d'un délai suffisant pour répondre aux griefs qui doivent lui avoir été communiqués par l'administration (CE, 1er avril 1960, Ramelot).
Mais il est une question qui se pose : en l'espèce pour la suspension et puis pour la révocation, l'on fait les mêmes griefs à l'intéressé. Cela viole t-il la règle non bis in idem (pas deux fois sur la même chose ; CE, 15 juillet 1955, Chresta-Blandine) ? Dans l'affaire Wahnapo (CE, Ass., 27 Février 1981) la question se posait de savoir si les mêmes faits sont susceptibles de justifier successivement une suspension puis une révocation. Le Conseil d'État rejeta ce moyen et jugea que les dispositions légales ne font pas obstacle à ce qu'un arrêté de suspension soit suivi d'un décret de révocation qui se fonde sur les faits qui avaient motivé la suspension (CE, 12 janvier 1912, Lucchini ; CE, 7 juin 1912, Couillaud ; CE, 26 janvier 1938, Navlet).
En l'espèce le Conseil d'État reprend une formule identique : « l'arrêté de suspension pris le 27 avril 2009 par le ministre de l'Intérieur (…) ne faisait pas obstacle à sa révocation ultérieure pour les mêmes faits ». 
Si la garantie du principe du contradictoire est respectée une première fois lors de la suspension, l'administration doit-elle être renouvelée lors de la révocations ? Dans l'hypothèse où les mêmes faits motivent une suspension puis une révocation, une jurisprudence juge qu'il n'est pas nécessaire d'entendre à nouveau les observations du maire (CE, 29 avril 1910, Marius Valette). Ainsi en l'espèce, « dès lors que la révocation ne repose pas sur des faits nouveaux, elle pouvait légalement intervenir sans que l’intéressé eût été mis à même de présenter de nouvelles observations ».
La deuxième garantie procédurale est celle de la motivation des mesures de suspension ou de révocation. L'administration est tenue de préciser et de communiquer à l'intéressé les raisons de fait et de droit qui ont conduit à l'adoption de la sanction. C'est sur elle que pèse la charge de la preuve de ce que l'intéressé a été correctement informé car le juge en effectuera le contrôle (CE 24 février 1926). Le Conseil d'État constat que le décret prononçant la révocation est suffisamment motivé dès lors qu'il expose l'ensemble des faits reprochés au maire et ayant conduit à sa révocation. Il juge légale la sanction alors même que la décision notifiée à l'intéressée ne comportait aucune motivation, celle-ci ne lui ayant été communiqué qu'au cours de l'instance.

En l'espèce les garanties procédurales ont été respectées. C'est désormais sur la légalité interne, sur le fond, que le juge va opérer un nouveau contrôle.

B. Le contrôle normal du juge sur les motifs de mesures de révocation des maires.

La modification du type de contrôle effectué par le juge est cruciale. L'arrêt Wahnapo se bornait à un contrôle minimum de l'erreur manifeste d'appréciation sur la sanction prise par l'autorité administrative à l'encontre d'un maire. En l'espèce, le juge opère un contrôle normal.
A l'origine, la loi n'imposant pas l'obligation de motivation de ces sanctions le juge administratif refusait d'en examiner les motifs. L'introduction dans la disposition législative de l'obligation de motiver la sanction a ensuite permis au juge d'en contrôler les motifs. Son contrôle s'est progressivement élargi, d'abord il s'est engagé dans un contrôle de la qualification juridique des faits ayant justifié la sanction (CE, 14 janvier 1916, Camino). Il refusait pour autant de se prononcer sur l'opportunité de l'acte.
La décision Wahnapo est apparue comme un progrès important : les sanctions à l'encontre des maires faisaient désormais l'objet d'un contrôle de « disproportionnalité manifeste », se cumulant à la qualification juridique des faits.
La décision Dalongeville, instaure un contrôle normal effectué par le juge et marque la fin de l'évolution du contrôle du juge dans ce domaine. Pourquoi un tel contrôle s'est-il imposé ?
Le contrôle normal est plus adapté en raison du choix restreint qu'offre l'article L. 2122-16 du code général des collectivités territoriales en matière de sanctions. Il n'y a que deux sanctions, la suspension, ou la révocation. Cette faible marge de manœuvre laissée à l'administration rend nécessaire le contrôle du juge. « C'est précisément parce que les sanctions susceptibles d'être prononcées contre un maire sont très peu nombreuses, que le contrôle juridictionnel de la mesure décidée doit être opéré pleinement ».



1« Le maire et les adjoints, après avoir été entendus ou invités à fournir des explications écrites sur les faits qui leur sont reprochés, peuvent être suspendus par arrêté ministériel motivé pour une durée qui n'excède pas un mois. Ils ne peuvent être révoqués que par décret motivé pris en conseil des ministres […]. / La révocation emporte de plein droit l'inéligibilité aux fonctions de maire et à celles d'adjoint pendant une durée d'un an à compter du décret de révocation, à moins qu'il ne soit procédé auparavant au renouvellement général des conseils municipaux ».
2CE, 14 janv. 1916, Camino
3Définition de la tutelle administrative telle que donnée dans Vocabulaire juridique, Gérard Cornu.

4 commentaires:

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  2. C'est bien de copier le commentaire effectué par Sophie Liéber sans jamais la citer...

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  3. est ce que ce commentaire est réellement valable?!

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  4. Oula... les titres ne sont pas qualifiés, c'est plus un exposé qu'un commentaire d'arrêt (pour moi)

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